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Jacques Fesch

Jacques Fesch est le fils de Marthe Hallez et de Georges Fesch, directeur de banque et pianiste belge dont la lignée est celle du cardinal Joseph Fesch, oncle maternel de Napoléon Bonaparte. 

Dans les années 1920, son père s’installe à Paris où il dirige la filiale française de la Banque internationale Franco-Belge. Les Fesch qui ont deux filles, Monique et Nicole, déménagent très vite en banlieue, à Saint-Germain-en-Laye où Jacques verra le jour le 6 avril 1930.

Jacques reçoit dans son enfance une éducation religieuse dont il se détache assez tôt. De 1938 à 1947, il fait ses études à l’école Saint-Érembert, puis intègre le Lycée Marcel Roby.

Tout au long de son enfance, il reste marqué par la forte personnalité de son père, par la grande érudition de celui-ci, ainsi que par son affirmation d’homme athée. Les rapports difficiles entre ses parents instaurent un climat familial instable. 

Jacques Fesch rencontre Pierrette, sa future femme, lorsqu’il est encore lycéen. De 1950 à 1951, il accomplit son service militaire, dont il sort avec le grade de caporal et un certificat de bonne conduite.

Le 5 juin 1951, il épouse à Strasbourg Pierrette. Le 7 juillet 1951 Pierrette donne naissance à une fille prénommée Véronique mais le couple n’est pas heureux. Séparé de Pierrette, il rencontre Thérèse Troniou en janvier 1954. De cette rencontre un enfant naîtra. Gérard. Conçu quelques semaines avant l’arrestation de Jacques le 25 février 1954, Gérard est reconnu aujourd’hui comme le fils naturel de Jacques Fesch.

Amer, tiraillé entre deux pôles : son mariage d’un côté ; de l’autre ses rêves d’évasion, de voyages, d’aventures et de liberté Jacques Fesch écrira bientôt dans sa prison : « Une union comme celle-ci ne pouvait déboucher que sur un échec. J’étais une âme tourmentée, tout me poussait à fuir, à prendre le chemin de l’abîme ».

Il n’a jamais eu de condamnation ni même commis la moindre infraction.

Affaire criminelle

En rupture avec son environnement immédiat, en quête d’évasion et d’horizons lointains, il projette d’acheter un voilier.

Pour cela, il tente maladroitement, le 25 février 1954, de braquer un agent de change de la rue Vivienne à Paris, Mr Silberstein (une connaissance de son père) à qui il avait préalablement demandé l’échange de 2 200 000 Francs en pièces d’or. Le changeur ayant quelques soupçons, la situation s’envenime. Jacques Fesch panique, menace le changeur de son arme et lui assène un violent coup derrière la tête avec la crosse de son pistolet. Le cran de sûreté était mal mis : une balle part et lui blesse la main droite. Il s’empare rapidement de quelques liasses de billets et s’enfuit dans la rue.

Jacques Fesch, complètement paniqué et blessé à la main, perd ses lunettes pendant sa fuite. Il passe deux fois devant sa voiture sans avoir même l’idée de la prendre. Traqué par la foule, il cherche à s’enfuir et se réfugie dans un immeuble des grands boulevards. Devant l’absence d’issue, il redescend dans la cour où l’attende un attroupement de personnes accompagnées d’un policier. D’un pas assuré, il décide d’atteindre la porte cochère quand soudain il est reconnu. L’agent de police lui adresse alors l’injonction d’usage : « Haut les mains où je tire ». Comme il n’obtempère pas, le policier, à plusieurs reprises, tire. Saisi par la peur, Jacques Fesch, fortement myope, tire à son tour par pur réflexe au travers de sa poche et sans viser sur ce policier qui voulait l’arrêter. Malheureusement, l’agent est touché en plein cœur par cette unique balle et meurt sur le coup. Arrêté quelques minutes plus tard dans le métro, il est ensuite incarcéré à la prison de la Santé.

Le procès

Le procès a lieu dans un climat particulier. Jacques est défendu par l’avocat Paul Baudet, qui plaide : « Jacques Fesch est un être que le hasard a pris dans une action tragique. Il a agi dans l’affolement. Il a tiré dans la folie de la poursuite. Est-ce que, vraiment, il doit être promis à la mort ? La mort que l’on souhaite pour lui est-elle proportionnée à celle qu’il a donnée ? Hier, lorsqu’on le poursuivait, c’était la mort dans le tumulte, dans la déraison. Demain, à l’échafaud, ce sera la mort raisonnée et froide. Hier, c’était la faillite de la volonté trompée par l’instinct animal. Demain, ce sera la froide détermination de vos volontés qui conduira à la guillotine. »

Un procès tronqué, le jury, influencé par les articles des journaux, le verdict tombe : c’est une condamnation à mort. La grâce présidentielle lui sera refusée. Jacques Fesch aura la tête tranchée.

Dans un courrier adressé à Me Baudet (l’avocat de Jacques), destiné au condamné, le Président de la République René Coty eut même l’audace de justifier sa décision : « Dites bien à votre client qu’il a toute mon estime et que je désirerais beaucoup le gracier, mais si je le fais, je mets en danger la vie d’autres agents de police. Demandez-lui, je vous en prie, d’accepter le sacrifice de sa vie pour la paix de l’Etat, pour que la vie d’autres gardiens de la paix soit sauvegardée. S’il le fait je lui en garderai une reconnaissance infinie. Remerciez votre client pour l’homme qu’il est devenu. »

La béatification

Cette procédure a débuté en 1987 et a été rendue publique en 1994 par Monseigneur Lustiger, archevêque de Paris. Cette officialisation a précisément commencé à partir d’un entretien donné par le cardinal à la presse qui fut publié le 24 décembre 1993. La première phase d’ouverture d’un procès en béatification est déjà une reconnaissance par  l’Eglise et place, aujourd’hui, Jacques Fesch comme « Serviteur de Dieu », donc reconnu par  l’Église catholique comme ayant eu une piété, une ferveur religieuse ou un dévouement remarquable. La commission de béatification est aujourd’hui sur le point d’achever la seconde phase qui consiste en l’étude des faits de la vie du candidat. Une personne a joué un rôle déterminant dans ce laborieux travail d’enquête et d’archives, c’est Sœur Véronique, une carmélite de San Remo en Italie qui avait reçu une dérogation spéciale pour sortir de son monastère et participer à l’étude de la procédure de béatification. Le rapport final sera prochainement envoyé au Vatican qui décidera si Jacques Fesch a vécu, ou non, les vertus chrétiennes de manière exemplaire, voire, héroïque. Enfin, cet examen devra être, par  la suite et selon le droit canonique, confirmé par la reconnaissance d’un miracle obtenu par  l’intercession céleste de la personne concernée.

Obtenir une béatification permettrait la vénération publique de Jacques Fesch, qui n’est possible, aujourd’hui, qu’à titre privé. Et surtout, elle proposerait aux chrétiens ainsi qu’aux non-chrétiens et en particulier à ceux qui ont commis des fautes et sont emprisonnés, une extraordinaire figure d’espoir. Monseigneur Lustiger écrivait :

            « Aucun être humain n’a le droit de se mépriser, au point de se considérer comme abandonné à une déchéance                           irrémédiable. Aucune personne ne peut se dire exclue de l’amour que Dieu lui porte. Nul n’est un bon à rien.»

Cette béatification imposerait l’idée que des condamnés, même des assassins, ne sont jamais perdus aux yeux de Dieu. Ceci dit, si cette béatification aboutissait elle soulèverait, c’est certain, de nombreuses et vives réactions. 

Depuis sa mort, Jacques Fesch est considéré par  les catholiques et l’Eglise comme un exemple de rédemption par  la foi. Dès 1987, des messes ont été dites en ce sens, de nombreux témoignages de soutien sont parvenus à l’Église – une école primaire en Normandie porte aujourd’hui son nom…

Pour ma part, vouloir béatifier mon père ne me concerne pas. Les raisons qui poussent l’Eglise à entreprendre une telle démarche, aussi légitimes soient-elles et je n’en doute pas, me sont étrangères.

Exécution et Conversion

Pendant son incarcération, il retrouve la foi perdue dans sa jeunesse, change complètement, devient mystique, écrit des textes spirituels et regrette son crime. Il s’entretient régulièrement avec le père Devoyod, aumônier de la prison.
Pendant ses années de détention, il entretient une correspondance régulière avec des proches, notamment le frère Thomas, sa belle-mère et recueille ses pensées dans un journal spirituel. En 1956, il apprend, en détention, le décès de sa mère à la suite d’une maladie.

La demande en grâce étant rejetée il accepte son sort avec sérénité. À la veille de son exécution, conformément à sa foi et au lien qu’il entend consacrer avec son épouse au-delà même de la mort, il complète son mariage civil par un mariage religieux.
Condamné le 6 avril 1957 à la peine de mort par la cour d’assises de la Seine, il est guillotiné le 1er octobre dans la cour de la prison de la Santé par le bourreau André Obrecht.

 L’aumônier de la prison de la santé écrira : « Il refusa la cigarette et le verre de cognac. On a échancré le col de sa chemise. On lui a rasé l’arrière du crâne. On l’a ligoté en tirant sur ses liens. Et on l’a redressé d’un coup sec. A 5 heures 29, sa tête est tombée. Les témoins n’étaient pas habitués à des scènes aussi dignes. Jacques venait d’offrir sa vie pour tous ceux qu’il aimait, pour sa victime. Il n’a pas exprimé la moindre rancune. Son attitude était sereine, exempte d’amertume. Il est mort en nous laissant son nom … »

Quelques traits de la Spiritualité de Jacques Fesch (extraits)

Jacques prisonnier, mène une vie ascétique et il médite.

Donner sa vie comme les martyrs, les Saints. Renoncer à tout ce qui n’est pas indispensable « Satané tabac je t’aurai. »

Retrouver sa liberté dans la prière. Accepter, offrir. Remettre toute justice entre les mains de Dieu. Le rechercher dans tous les instants. S’abandonner à Lui. Transfiguré par la grâce, Jacques peut ainsi dire : « Ma vie, nul ne la prend, c’est moi qui la donne ».

L’amour de Dieu et de son prochain est plus fort que la mort et le mal réunis, tout comme Sa miséricorde : il est infini. Il amène à la compréhension de ce qu’est la vie. Le combat de Jacques se résume alors par ces simples mots : rendre amour pour amour.

Les œuvres

Trois ouvrages principaux sont issus des écrits de Jacques Fesch (entre 1954 et 1957) :

Lumière sur l’échafaud

Lettres de Jacques Fesch au Frère Thomas. Elles furent publiées pour la première fois en 1971 à l’initiative du Père Thomas, du Père Lemonnier et de Pierrette Fesch.

Cellule 18

Lettres de Jacques Fesch à sa belle-mère Marinette Polack. Elles furent publiées pour la première fois en 1980 à l’initiative de Pierrette et Véronique Fesch, de Sœur Véronique et du Père Lemonnier.

Dans cinq heures je verrai Jésus

Il s’agit du Journal Spirituel de Jacques Fesch rédigé deux mois avant son exécution. Il fut publié une première fois en Italie en 1982 sous le titre Giornale intimo, puis en France, dans sa langue d’origine, en 1989. Cet écrit est destiné à Véronique (qui n’est pas sa fille mais qu’il reconnaîtra) ainsi qu’à Gérard, l’enfant qu’il a eu de Thérèse Troniou.

Ces ouvrages sont traduits dans de nombreuses langues et connaissent un véritable succès de librairie.